vendredi 30 mars 2018

"À la casserole" n°1 : entretien avec Marianne Desroziers

Pour ce tout premier entretien, nous accueillons l'auteure Marianne Desroziers. Originaire de Bordeaux, Marianne écrit depuis des années, et a publié à ce jour plusieurs livres : romans, recueils de nouvelles et de poésie (dont Lisières, éd. Les penchants du roseau, 2012 ; Ma mère en automne, éd. Gros textes, 2017, etc.), ainsi que divers textes dans des anthologies et revues. Elle est également directrice de la revue L'Ampoule, aux éditions de L'Abat-Jour, qui viennent de publier son dernier recueil de nouvelles : Fantasmagories. Contes noirs et flamboyants.

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1) Présentez-vous en quelques mots : 

J'ai bientôt 40 ans, je vis à Bordeaux, j'ai publié quatre livres (le dernier, Fantasmagories. Contes noirs et flamboyants, vient de sortir aux éditions de l'Abat-Jour), ainsi que des poèmes et nouvelles dans une quarantaine de revues. Je dirige la revue L'Ampoule, j'anime des ateliers d'écriture et je tiens épisodiquement le blog de critiques "Le pandémonium littéraire". J'ai travaillé en bibliothèque et comme documentaliste dans un collège. Ma vie tourne autour des livres, de la littérature et de la transmission. 

2) Pourquoi avoir choisi l’écriture comme moyen d’expression ? 

Je n'ai pas l'impression d'avoir choisi, c'est plutôt l'écriture qui m'a choisie, je n'étais même pas consciente d'avoir quelque chose à exprimer au début. J'ai toujours aimé les livres, mais il y a une quinzaine d'années, suite à la perte d'un être cher, j'ai trouvé refuge dans les livres en devenant une grande lectrice. Puis j'ai créé mon blog littéraire où je donnais mon avis sur mes lectures, et en parallèle j'ai glissé vers l'écriture, très naturellement, presque s'en m'en apercevoir : je me suis fait piéger par l'écriture, mais c'est un piège délicieux !

3) Quels sont vos genres et formes de prédilection à la lecture ? à l’écriture ? 

J'ai toujours été une lectrice de romans et de nouvelles. Depuis quelques années je suis très attirée par la poésie, en particulier contemporaine et du XXe siècle, avec un intérêt particulier pour la poésie de femmes (Sylvia Plath, Alejandra Pizarnik, Ingeborg Bachmann, Marina Tsvetaeva, Anna Akhmatova). J'ai commencé par écrire des nouvelles, puis je suis passée au roman, avant de m'aventurer sur le terrain risqué de la poésie. En ce moment j'écris un roman et des poèmes.

4) Comment définiriez-vous votre style ? 

Aucune idée : jocker !

5) Quels sont les textes qui vous ont marquée en tant que lectrice ? 

J'ai été très marquée par les contes, en particulier ceux d'Andersen, mais c'est surtout Virginia Woolf qui m'a donné envie d'écrire. Très marquée aussi par Lewis Caroll, Edgar Allan Poe, Borgès, Garcia Marquez, Cortazar, Rulfo. Et puis Céline et Proust, bien sûr, même si leur influence est moins visible. Enfin, je citerais deux auteurs que j'adore et qui sont trop peu connus : Hélène Bessette et Jean-Pierre Martinet.

6) La citation qui vous ressemble :

 « Il y a toujours quelque chose d'absent qui me tourmente. » (Camille Claudel)

7) Là, maintenant, tout de suite, rédigez deux lignes sur votre environnement : 

Je suis bien installée, au chaud, le chat sur mes genoux, du jazz dans les oreilles, une tasse de café posée à côté de moi, par la fenêtre je vois la pluie qui tombe sur les toits de Bordeaux.

8) Quand vous étiez petite, que vouliez-vous faire quand vous seriez grande ? 

J'ai voulu être institutrice, puis assistance sociale, un peu plus tard journaliste.

9) Quel personnage de fiction aimez-vous le plus ? 

Peter Pan.

10) Teaser : qu’écrivez-vous en ce moment ? 

Je finis un roman à deux voix teinté de fantastique. L'une des deux voix est celle de l'écrivain américaine Sylvia Plath.


Merci à Marianne !


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dimanche 11 mars 2018

L'Ampoule, hors-série n°2, déc. 2017.


Photographie par Xavier de Bordeaux (source).

La maison d'édition L'Abat-Jour publie une revue papier semestrielle : L'Ampoule, qui est dirigée par l'auteure Marianne Desroziers. Cette revue propose du contenu littéraire mais aussi graphique. Je me suis procuré le second numéro hors-série, athématique, et je vous livre mon avis.

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J'ai d'abord été agréablement surprise par la qualité physique de la revue : le papier est beau, mat, épais ; la mise en page est bien faite, claire, sobre ; le tout est très professionnel. Très bon point pour cette petite maison d'éditions ! Vingt et un textes composent ce recueil, chacun illustré d'une création visuelle en noir et blanc, choisie avec minutie. J'ai pris mon temps pour lire toutes ces nouvelles, qui ne laissent pas indifférent, tant les styles diffèrent et sont marqués - ce qui a sans doute imposé leur choix. Ce recueil emmène le lecteur dans un pays imaginaire en noir et blanc, résolument incertain et mélancolique, quand il n'est pas inquiétant.
On peut retrouver, parmi les textes qui m'ont le plus marquée : "Les papillons de Marie", extrait du nouveau recueil Fantasmagories de Marianne Desroziers, qui évoque la transformation d'une fillette mal-aimée en sanglier ; un texte surprenant et absurde tel que Planté là de Thomas Pourchayre, racontant la journée d'un homme enterré jusqu'au cou ; on passe à l'écrit poétique de Anne Escaffit, Nuances d'Être, un hymne à la beauté de la torture ; le conte de Manuela Legna et son Conteur Errant, immortel, qui sillonne la terre plus pauvre que Job ; l'inquiétante nouvelle de Benoît Patris, une Faille qui met le monde sens dessus dessous ; La Cire à esgourdes d'Yves Letort, charmante histoire d'amour entre deux mélomanes amateurs d'une drogue spéciale ; une journée hallucinée décrite par Roland Goeller dans Nocturne ; le tableau hypnotique d'une sorcière écrivant sa dernière lettre dans L'Insoumise de Claire Eustache ; ou encore Le Royaumes des trois cris de An Pra, conte effrayant, entre ronces et mariage mortifère.
Je n'ai pas listé l'intégralité des textes au risque de faire de cette chronique un véritable pavé indigeste, mais on découvre avec plaisir des textes de Jean-Michel Maubert, Marianne Duforeau, Le Golvan, Georgie de Saint-Maur, Nathalie Vignal, Damien Desbordes, Sébastien Chagny, Marc Legrand, et Christophe Lartas. 
Mention spéciale pour les illustrations de Marina Ho et Maxime Derouen qui m'ont bien plu.

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Il ressort de ce recueil des univers très divers et des plumes acérées, je salue le flair des éditeurs. Deux nouvelles m'ont particulièrement tapé dans l’œil : La Cire à esgourdes, très bien écrite, avec une point d'humour, d'absurde et de poésie très bienvenue - je la recommande ; et L'Insoumise, qui, au départ, m'a un peu interloquée de part son style original : le lecteur est pris à parti (tu) et le narrateur lui offre une "vue" de l'histoire, comme un zoom de caméra sur le plan qui apparaîtrait petit à petit.

En somme, une revue de qualité qui mérite d'être suivie, pour les amateurs de textes noirs et bizarres...


Hors-série n°2, L'Ampoule, déc. 2017, éd. de L'Abat-Jour, coll. dirigée par Marianne Desroziers, 10€.