vendredi 13 juillet 2018

"À la casserole n°3" : entretien avec Nolwenn Pamart

crédit photo : Kokopele.
Thésarde en Lettres, future conservatrice des bibliothèques et chroniqueuse à ses heures perdues, Nolwenn Pamart est aussi une jeune auteure qui vient de publier son premier recueil de nouvelles chez Les Deux Crânes : Le Désespoir de l'affichiste. Elle est également - avec l'aide de deux comparses - à l'origine des éditions et de l'association Vermiscellanées, qui viennent d'éditer leur premier recueil : 99 variations façon Queneau. Elle a répondu aimablement à mes petites questions.

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1) Présentez-vous en quelques mots :

Je multiplie volontiers les casquettes, mais beaucoup de choses dans ma vie tournent autour du livre. Je prépare une thèse de littérature consacrée à un auteur de la fin du XIXe siècle, je travaille en bibliothèque, je fais partie d’une maison d’édition associative. Et enfin, c’est un peu la dernière pierre des fondations : j’écris. Je viens de publier mon premier livre : un recueil de nouvelles historiques intitulé Le Désespoir de l’affichiste.

2) Pourquoi avoir choisi l’écriture comme moyen d’expression ?

Parce qu’écrire, c’est donner une voix. J’ai voulu en offrir une à des personnages qui n’en avaient pas. Des petites modistes, des femmes à barbe, des ados perdus au fond des campagnes françaises. J’ai essayé d’attaquer les angles morts du monde et mettre les gens qui s’y cachent en pleine lumière.
Ce qui m’amène à la deuxième raison principale : je travaille principalement en focalisation interne, ce qui implique qu’à chaque personnage correspond un langage et donc une vision du monde. C’est un terrain de jeu littéraire, historique et sociologique difficile à épuiser.

3) Quels sont vos genres et formes de prédilection à la lecture ? à l’écriture ?

J’ai lu beaucoup de fantastique durant mon adolescence, avant de me diriger vers les classiques de la littérature. Au fur et à mesure, je me suis découvert une passion pour la littérature fin de siècle, qui porte en elle ce contraste que je recherche : une belle forme et un contenu complètement fou. 
Dans l’écriture, j’ai tendance à avoir une démarche très réaliste. Je me documente beaucoup, je fais des recherches, que ce soit pour l’historique ou le contemporain. Ça ne m’empêche pas de décrocher du réel dans les éléments de l’histoire, mais il me faut cet ancrage. Et c’est quelque chose que j’aime beaucoup retrouver dans un livre : cette sensation de réel au sein d’une histoire totalement inventée.

4) Comment définiriez-vous votre style ?

Dans Humour et humoristes en 1899, Paul Acker écrit : « L’humour n’est qu’un mot prétentieux qui cache une chose antique et simple, une gaieté railleuse, une ironie froide et fantaisiste ». Selon cette définition, je dirais que j’ai un style d’humoriste.

5) Quels sont les textes qui vous ont marquée en tant que lectrice ?

Je citerais trois auteurs en particulier, même si beaucoup de lectures m’ont influencée. Le premier est Jean de Tinan. Une forme d’ironie tendre émane de ses textes, et j’y suis très sensible. Proust m’a énormément impressionnée par sa capacité d’observation, la profondeur de ses réflexions sur le temps et la psyché humaine. Enfin, Richard Brautigan, écrivain de la Beat Generation, me fascine par sa capacité à rendre poétiques les choses les plus triviales et les plus simples. 
Parmi les écrivains contemporains, j’admire beaucoup Pierre Cendors et Jean-Philippe Blondel, dans deux styles très différents.

6) La citation qui vous ressemble :

Jean de Tinan écrivait dans sa chronique sur les « Cirques, cabarets, concerts » :

« Il faut savoir effleurer ainsi toutes ces émotions artificielles et sans calme, pas naturistes du tout, fleurs du soir, doucement, de peur qu’elles ne s’effeuillent ; il faut savoir être sans fausse honte, très lyrique et très sentimental pour des choses en apparence très frivoles et cependant poignantes. »

7) Là, maintenant, tout de suite, rédigez deux lignes sur votre environnement :

Entre les livres, une tasse de thé vide, un pot de yahourt à jeter. Le bruit du ventilateur couvre toute musique intérieure, alors on est obligés de crier.

8) Quand vous étiez petite, que vouliez-vous faire quand vous seriez grande ?

Je voulais être écrivain et m’occuper d’une réserve de loups comme la pianiste Hélène Grimaud. J’ai un gros chat, alors on va dire que ça compte.

9) Quel personnage de fiction aimez-vous le plus ?

M. de Bougrelon de Jean Lorrain, fantoche inspiré de Barbey d’Aurevilly, à la fois pathétique et sublime.

10) Teaser : qu’écrivez-vous en ce moment ?

Je suis en train de terminer un roman consacré au parcours initiatique d’un jeune homme qui, pour se faire accepter dans un groupe d’amis, plonge corps et âme dans le métal extrême. C’est une musique que j’ai énormément écouté adolescente (et que j’écoute encore aujourd’hui, entre autres choses). Je place cette histoire dans la région du Nord-Pas-de-Calais, dont je suis originaire. Métal et briques rouges, en somme !


Merci à Nolwenn !



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samedi 7 juillet 2018

La Société des S, de Susan Hubbard



La Société des S est le premier tome d'une trilogie de l'auteure américaine Susan Hubbard. Édité par L'école des loisirs, ce roman fantastique est à ranger au rayon jeunesse/ado. Et pourtant, être un "adulte" n'empêche en rien de se délecter de sa lecture !

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Ari est une adolescente qui vit enfermée dans le manoir familial, entourée de milliers de livres. Son père, Raphaël Montero, un scientifique atteint d'une maladie de peau l'empêchant de sortir au grand jour, lui fait lui-même la classe. Ari ne connaît rien du monde extérieur, elle y met seulement les pieds lors de ses examens annuels. Solitaire et curieuse, c'est à ses 13 ans qu'elle finit par s'ouvrir aux autres, sous l'aile de Mme Garritt, la cuisinière. Cette dernière la présente à ses enfants et Ari va se lier d'amitié avec une de ses filles : Kathleen. Cependant, sortir de sa coquille a un prix : des secrets vont être révélés et son univers entier sera chamboulé. Son père est-il vraiment l'homme qu'il prétend ? Et Ari, qui est-elle vraiment ? De révélations en révélations, la jeune fille se rendra compte qu'elle et sa famille ne sont pas très humains...

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Ce roman est une très belle découverte. Écrit du point de vue d'Ari, on suit son évolution durant sa treizième année. Adolescente très intelligente et renfermée au départ, elle s'ouvre petit à petit au monde et finit par traverser les États-Unis seule en stop à la recherche de sa mère, disparue depuis sa naissance. La découverte amoureuse, celle de l'identité de son père et d'elle-même, font de ce récit un roman initiatique : il y a un voyage physique mais aussi psychologique.

J'ai beaucoup apprécié le traitement du vampire. Eh oui ! Encore un roman de vampires. Mais ne partez pas ! Ici, ces créatures sont très cultivées et évitent de blesser les gens au détour d'une ruelle. Ces derniers restent plutôt entre eux et se font discrets, évoluant beaucoup dans les sphères scientifiques pour trouver des substituts au sang. Ce premier tome laisse d'ailleurs une grande part d'ombre sur l'origine des vampires. De même sur la nature d'Ari, mi-humaine mi-vampire, et dont la croissance s'arrête subitement en pleine adolescence. On ne lui donne alors plus d'âge. J'espère que les prochains tomes sont plus bavards sur ces aspects.

Je recommande chaudement cette lecture, qui ravira l'adulescent en vous ! La plume est élégante et instruite, et le personnage d'Ari attachant et profond. Lire un récit vampirique classé dans la catégorie jeunesse qui ne contient ni niaiseries ni clichés est à souligner !


La Société des S, Susan Hubbard, trad. Marion Danton, éd. L'école des loisirs, coll. "Médium +", 2011.