Noémie Renard est une blogueuse féministe connue sous le pseudonyme Antisexisme, et je vous recommande fortement la lecture de son site. Elle détient une thèse de biologie et a publié son premier livre en mars de cette année, intitulé En finir avec la culture du viol, aux éditions Les Petits Matins, préfacé par Michelle Perrot, professeure émérite d'histoire contemporaine à l'université Paris-Diderot.
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Avec En finir avec la culture du viol, l'auteure s'attaque aux préjugés sur le viol et les agressions sexuelles : le viol ne serait commis que sous la contrainte, menace, dans un parking sombre la nuit, par un inconnu très très méchant. D'ailleurs, si la victime n'a pas crié, ou si elle portait une minijupe, c'est qu'elle était consentante. Également, une femme qui dit non, voudrait en fait dire oui. Le désir féminin est passé sous silence au profit du masculin, et a besoin d’être "forcé". La sexualité homme-femme est apprise et regardée sous l'angle de la domination-soumission. Les hommes auraient des besoins sexuels irrépressibles, et la femme n'aurait qu'une libido très faible. D'ailleurs, elle a intégré le fait que si elle n'acceptait pas tous les rapports sexuels désirés par son conjoint, alors ce serait de sa faute si le couple éclate. Elle se tait lorsqu'elle se fait agresser ou violer, par peur, peur des représailles et de l'humiliation de la justice, qui ne condamne que 2% des agresseurs. C'est tout cela la culture du viol : une mythologie du violeur qui réconforte la classe dominante : l'homme cis hétéro, à la sexualité agressive, et une décrédibilisation de la victime : la femme, sachant que les femmes pauvres, racisées et invalides ont plus de chance d'être agressées.
Noémie Renard a construit un essai féministe intelligent, à la rigueur scientifique, dont le style "neutre" vise à rendre les faits implacables. En 5 parties ("État des lieux", "Les mécanismes de l'impunité des violeurs", "Le viol, une histoire de pouvoir et de domination", "De l'hétérosexualité "normale" au viol", et "Mettre fin à la culture du viol"), l'auteure démontre à quel point cette culture du viol est prégnante dans notre société, de l'éducation à la publicité en passant par les rapports hommes-femmes. Elle apporte un éclairage précis et édifiant, une vraie prise de conscience ! Elle met le doigt sur les manquements et les zones floues de la justice, qui ne remplit pas suffisamment son rôle, analyse les retentissements de la vague #metoo et #balancetonporc, et dans une veine abolitionniste, explique le concept d'échanges "économico-sexuels", qu'elle explique d'ailleurs dans une très bonne interview donnée aux Inrocks en mars dernier :
Quand on pense à l’échange de sexe contre de l’argent, on songe
généralement à la prostitution. Mais en réalité, ces échanges
économico-sexuels peuvent prendre d’autres formes et s’exercer même au
sein du couple. C’est ainsi que, dans nos sociétés, des hommes payent le
restaurant ou offrent des cadeaux à des femmes dans l’espoir d’obtenir
un rapport sexuel ; et certaines femmes peuvent se sentir obligées
d’avoir des rapports sexuels si elles ont accepté de tels biens. Selon
Tabet, ces échanges économico-sexuels constituent une "gigantesque arnaque".
Ils se basent sur l’appropriation des richesses par les hommes, au
détriment des femmes. Privées de l’accès direct aux ressources, les
femmes en viennent à devoir échanger leur sexualité contre une partie de
ces biens. Les femmes sont donc doublement arnaquées : elles sont
spoliées des ressources matérielles, mais aussi de leur propre
sexualité, qui devient une sexualité, non plus pour soi, mais une
sexualité de service. Selon Paola Tabet, les échanges économico-sexuels
(qui constituent d’après moi une forme de coercition économique) et les
violences sexuelles commises par d’autres moyens coercitifs,
fonctionnent en tandem pour permettre aux hommes de contrôler la
sexualité des femmes.
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Ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est la dernière partie. L'auteure ne se contente pas d'offrir un panorama instructif et saisissant de cette culture du viol, mais propose des réponses alternatives. Ainsi, elle soumet l'idée d'éduquer et de sensibiliser les jeunes à l'égalité hommes-femmes, afin de "lutter contre les stéréotypes de genre, contre l'éducation genrée et contre les idées reçues sur la sexualité" ; l'idée que l'État prenne mieux en charge les victimes de violences sexuelles, de mettre en place, à l'instar des Pays-Bas, des centres d'accueil de proximité, avec une vraie équipe pluridisciplinaire (psychologues, médecins, assistantes sociales, etc.) ; l'idée de former des professionnels (médecins, policiers, psychologues, enseignants, etc.) à la détection "des violences et leurs mécanismes" et qu'ils puissent "mieux accompagner et informer les victimes" ; l'idée de faire évoluer la loi : par exemple, établir une meilleure définition du viol et du consentement ; et finalement, l'idée de lutter contre toutes les formes d'inégalités, car les violences sexuelles "prennent racine dans un système social inégalitaire".
En finir avec la culture du viol est, pour moi, un livre à mettre entre toutes les mains. Noémie Renard s'inscrit dans la lignée des plus grandes essayistes féministes.
En finir avec la culture du viol, Noémie Renard, éd. Les Petits Matins, 2018.
En finir avec la culture du viol est, pour moi, un livre à mettre entre toutes les mains. Noémie Renard s'inscrit dans la lignée des plus grandes essayistes féministes.
En finir avec la culture du viol, Noémie Renard, éd. Les Petits Matins, 2018.