dimanche 20 janvier 2019

Le Sang de l'Éden, tome 1 : L'Engeance, de Sabrina Lionat


Je suis inscrite sur SimPlement depuis deux mois et cela me permet de recevoir des livres en service presse, souvent d'auteurs autoédités. Le tout premier reçu via cette plateforme est Le Sang de l'Éden, de Sabrina Lionat, que je remercie vivement. Premier roman pour cette auteure, qui nous livre un récit de bit-lit que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt !

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Nous sommes à Paris, en février. Éva Brunel mène une vie tranquille entre son métier de bibliothécaire, sa famille (composée de sa mère et sa grand-mère), et son amie Dilo, jeune femme extravertie qui s'évertue en vain de la faire sortir. Justement, elle parvient à convaincre Éva de venir à une soirée dans un bar, dans lequel elle doit rencontrer un homme qu'elle convoite : Lucas. Mystérieux et distant, ce dernier n'a cependant d'yeux que pour Éva, au grand dam de Dilo, et est accompagné d'une amie quelque peu agressive... Cette rencontre sera décisive puisqu'elle sera amenée à fréquenter de nouveau Lucas, qui la plongera au cœur d'une terrible tourmente : elle doit mourir car elle est l'Engeance. Tous les deux-cents ans, l'Engeance se réincarne et doit être tuée afin de rétablir l'équilibre du monde. Éva est ainsi traquée depuis sa naissance, à la fois par les démons et l'Ordre du Feu, créé par Salomon lui-même. Mais il se trouve qu'elle n'est pas seule : depuis des jours, elle entend des voix, qui la guident étrangement. Va-t-elle réussir à découvrir qui elle est vraiment ? L'Engeance doit-elle vraiment mourir ? Lucas est-il vraiment son ennemi ?

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Que de questions, qui ne trouvent pas toutes réponses. Ce roman serait à classer dans les catégories bit-lit et thriller ésotérique. Bit-lit car on se trouve dans le monde d'aujourd'hui, habité par des créatures surnaturelles, comme des démons, des anges, des incubes, ou encore des sorcières ! Tous ces être vivent plus ou moins cachés des humains, et se déplacent dans le Voile, sorte de barrière invisible et magique séparant leur monde de celui des hommes. Pour Éva, la rencontre de ce monde la rendra plus forte et lui fera prendre conscience de sa vraie nature : elle n'est pas que l' Engeance, elle est aussi une sorcière ! Cette qualité lui permettra peut-être de survivre... Le côté ésotérique vient de ce fameux Ordre de Feu de Salomon, de son Magister, qui traque l'Engeance depuis des centaines d'années, du pacte entre diverses créatures et l'Éternel, etc. L'auteure propose une intrigue parsemée de références bibliques et de locutions latines, on sent un vrai travail de recherche qui fait plaisir.
Le récit est avant tout homodiégétique : rédigé à la première personne la plupart du temps, Éva nous fait part de ses aventures, rendant le récit encore plus immersif et entrainant. J'ai apprécié la plume de l'auteure, fluide, avec des descriptions sans fioritures et justes. De plus, le rythme du roman est bien maîtrisé. Les personnages, de prime abord caricaturaux, deviennent de plus en plus intéressants au fur et à mesure du roman : l'auteure réussit à nuancer leurs caractères et ne cède pas à la facilité, par exemple : on comprend que des sentiments se forment entre Éva et Lucas, pourtant, l'auteure n'en surjoue pas et reste réaliste : ils ne tombent pas dans les bras l'un de l'autre en l'espace de trois pages.

J'ai tout de même quelques bémols à apporter à cette lecture : j'ai trouvé pas mal de fautes d'orthographe et de ponctuation, assez pour que cela se remarque vraiment (étant correctrice, ça m'échappe encore moins, haha). Quelques maladresses de style sont aussi présentes. Cela ne gâche toutefois pas la lecture, ce qui prouve que ce roman est addictif !
J'ajoute que les personnages de Lucas et Éva ont quelques traits trop caricaturaux : Lucas est un grand brun ténébreux et sûr de lui, Éva une jeune femme à sauver et... vierge. Cela sonne un peu trop chick-lit à la Harlequin.

En conclusion, il ne manque qu'une bonne relecture pour que ce premier tome soit très bon dans le genre. J'attends le second avec impatience !


Ce roman a été lu dans le cadre du 7e challenge de littérature de l'imaginaire.






dimanche 13 janvier 2019

7e challenge de littérature de l'imaginaire

Je ne suis pas très douée pour les challenges, j'ai tendance à ne pas les tenir (trop d'enthousiasme et de flemme mélangés sans doute, haha). L'année dernière, je voulais tenter le Printemps de l'Imaginaire et j'ai abandonné en cours de route. Mais je vais me rattraper ! Cette année, j'ai décidé de participer au 7e challenge de littérature de l'imaginaire, organisé par la blogueuse Ma lecturothèque. Je lirai et chroniquerai donc 12 livres de fantasy, SF, ou fantastique, aussi bien des auteurs édités en maisons d'édition que des autoédités. Un an pour réaliser ce challenge, ça devrait le faire, non ?

Pour s'inscrire : cliquez ici.


jeudi 10 janvier 2019

Les Questions dangereuses, de Lionel Davoust


Publié au préalable dans l'anthologie Dimension de Capes et d'Esprits par Rivière Blanche en 2011, Les Question dangereuses est une novella (ou roman court) de fantasy historique rédigée par Lionel Davoust et désormais éditée par ActuSF. Vous avez sans doute pu apercevoir le nom de l'auteur ici et là, voire même pu lire certains de ses romans. En effet, ce dernier s'est fait une place remarquable au sein de la fantasy française, avec notamment sa trilogie Les Dieux sauvages dont le premier tome a reçu le Prix Elbakin en 2017. Je remercie ActuSF pour l'envoi des Questions dangereuses, dont ma chronique ne tarira pas d'éloges.

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Nous sommes au XVIIe siècle en France, dans une dimension parallèle, et le mancequetaire Thésard de la Meulière doit résoudre un meurtre, celui du docteur Lacanne, médecin de la reine, qui a eu lieu au château de Déversailles. Le fier mancequetaire part à la poursuite du meurtrier son libram à la ceinture, et de Questions épineuses en énigmes barbares, croise dans son enquête un poète floué, une jeune traductrice anglaise, et de la mauvaise poésie. Mais sait-il que la mauvaise poésie mène à de dangereuses questions, et ces questions à l'innommable ?

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Cette novella de 55 pages en format numérique a été un vrai régal ! La plume de l'auteur s'est parée, pour ce thème de capes et d'épées, d'élégance et d'humour. Pastichant les récits d'aventures du XIXe comme Les Trois mousquetaires de Dumas, Lionel Davoust s'est amusé à parsemer son récit de divers clins d’œil littéraires et géographiques. Ainsi, le roman affreux dont le mancequetaire doit à tout prix empêcher la distribution est intitulé Mémoires d'Hécatombe, rappelant sans nul doute les Mémoires d'outre-tombe du romantique Châteaubriand. Déversailles, château où le docteur Lacanne se fait assassiner est Versailles, Panâme est Paris, et la Scène... la Seine. Je ne vais pas tous vous les nommer, mais c'est très réjouissant de reconnaître la réalité derrière la fiction. 
J'ai adoré le thème principal et très sérieux de ce livre : le pouvoir des mots. Les mancequetaires ne se battent pas à l'épée (d'ailleurs, il y a un passage qui m'a fait pouffer de rire : le narrateur décrit justement une épée dans les mains du mauvais versificateur sans l'énoncer explicitement, nouvel instrument de bataille remplaçant les Questions que le mancequetaire ne connaît pas) mais avec des énigmes, des Questions. Ces dernières provoquent des maux de tête à des degrés de douleur différents selon la difficulté de ladite Question. C'est pourquoi certaines sont interdites : celles touchant à la métaphysique notamment, car aucune réponse n'apporte satisfaction... On dit que les mots tuent, et bien l'auteur a pris l'expression au pied de la lettre !
En parlant de métaphysique, l'auteur critique subrepticement la société actuelle : on ne se pose pas assez de questions, et on occulte carrément celles portées sur le sens de la vie. Dans la course effrénée vers une croissance finie qui risque de nous faire imploser, ne devrait-on pas se poser quelques minutes pour contempler et s'interroger vraiment sur le sens actuel de cette vie ? Ces Questions (avec un Q majuscule) sont meurtrières dans le roman, et peuvent mener à une terrible maladie : la neurasthénie ! Mélancolie, dépression, cauchemars, symptômes ultimes de Questions, de tourments non résolus, auxquels le mancequetaire tente d'échapper et que le roman Mémoires d'Hécatombe doit provoquer. D'ailleurs, notons que le nom de l'auteur de cette bombe littéraire est Spline (ça ne vous dit rien ?)...

Ne pouvant être exhaustive au risque de rédiger un pavé indigeste, je conclus en vous enjoignant expressément de vous procurer ce petit bijou ! En 55 pages, Lionel Davoust a réussi à créer un univers passionnant, des personnages attachants et une chute surprenante en ajoutant une pointe de fantasy lovecraftienne (chut, cette fois je ne spoile pas !). 


Les Questions dangereuses, Lionel Davoust, éd. ActuSF, coll. "Hélios", 2019.

mardi 1 janvier 2019

Revue Cabaret, hors-série #3 - décembre 2018 : In bed with Cabaret


Je ne suis pas assez familière des petites revues littéraires, et c'est toujours un plaisir quand j'en découvre une de qualité, me réconciliant avec la poésie contemporaine. Au hasard d'Internet, je suis tombée sur la Revue Cabaret, éditée par la maison d'édition Le Petit Rameur, dirigée par Alain Crozier. Revue Cabaret a la particularité de ne publier que des poètes féminins, et privilégie la forme libre. J'ai donc découvert cette revue à travers le troisième hors-série gratuit, dont le thème est l'érotisme, avec pour titre "In bed with Cabaret".

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"In bed with Cabaret" est donc un recueil poétique de 45 pages, préfacé par l'écrivain satyrique Étienne Liebig, dont vous avez sans doute déjà croisé les mots aux éditions de la Musardine. Ce recueil compte 16 auteures, tout autant de plumes que j'ai eu plaisir à lire, et certaines ont été des coups de cœur. Ces textes érotiques sont parfois crus, métaphoriques, sensuels, sensibles ; ils racontent le désir, ils offrent des hommes et des femmes vaincus par l'envie, le sexe et l'amour, animaux.

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J'ai beaucoup apprécié la poésie de Lauréline Amanieux, douce et musicale, qui a enchanté mes oreilles et mon amour des nuances et des suggestions ; celle d'Agnès Cognée, des poèmes bruts qui parlent d'un désir crucifiant ; la poésie d'Elsa Hieramente et ses textes crus mêlés d'une langue suave ; ou encore celle de Max Zouic et ses délires mythologiques, ses orgasmes lunaires.

Ce numéro de Revue Cabaret est aussi illustré par Mye My, Muriel Carrupt, Gus Val, Elsa Hieramente (qui écrit donc aussi), Jean-Marc Couvé et Doina Vieru, mais je n'ai pas du tout été convaincue par leurs dessins. Une BD est aussi insérée, réalisée par Catfish & Janne Karlsson, que j'ai trouvée sans grand intérêt. Pour moi, ce recueil vaut surtout pour les écrits, non pas par ses illustrations.

Je me pencherai davantage sur cette revue à l'avenir !

Voici quelques extraits poétiques qui m'ont particulièrement plu :

Lauréline Amanieux, p. 5 :

Tes baisers de fleurs mouillées sur ma peau
Me divaguent dans leur tornade d'eau
L'air s'enroule autour de mes pâles rêves
Tes baisers de fleurs mordorées m'enlèvent

Mon amant de miel, tu manques à mes lèvres
Manques à la moiteur des journées d'été
L'air s'enroule autour de mes pâles fièvres
Amant, tu manques à ma bouche moirée

Agnès Cognée, p. 14 :

Les clous

Sur l'étagère de mon silence
le bâillon de ta bouche sur la mienne
les clous
me crucifiant à ton désir

Les synapses se croisent
dans l'entrecuisse vide
où tu auscultes
l'imaginaire de ton sexe

dans l'obscur des rencontres
ta silhouette joue
dans mes ombres sournoises

il reste une membrane
fragile cloison
protégeant ma folie.

Max Zouic, p. 39 :

Ne cherchez plus le soleil
Il brille juste pour moi
Bien sûr il rayonne encore pour vous quelquefois
Mais c'est à moi qu'il brûle les doigts
Je vous l'ai volé à midi
Hélios tendu à son zénith exactement
Excite la peau de ma liberté
Qui s'enivre égoïstement de votre plaisir envolé
La journée je tisse son solstice
Et la nuit venue mon soleil dégrafe mes nuages
Ainsi dévêtue
Mon corps sage mis à nu
Je suis vibrante et prête pour notre alunissage
Illuminée 


Eros devenue



"In bed with Cabaret", Revue Cabaret HS #3, éd. Le Petit Rameur, dirigée par Alain Crozier.