mercredi 1 avril 2020

Dormir sans larmes, de Rosa Jové


Maman depuis un peu plus de 5 mois, je m'intéresse beaucoup au maternage proximal et à l'allaitement - que je pratique. Je lis régulièrement des articles et des livres sur ces sujets, c'est pourquoi je leur consacrerai désormais des chroniques. Comme tout parent, le sommeil de mon bébé est une source perpétuelle d'inquiétude et... de fatigue 😅. Souhaitant comprendre comment fonctionne ma fille et ce que je peux améliorer, je me suis plongée dans Dormir sans larmes, de la pédopsychiatre espagnole Rosa Jové. Ce livre est une référence en la matière. Il n'est pas révolutionnaire, il ne propose pas de concept magique pour faire dormir nos enfants, il remet simplement les choses à leur place et explique le fonctionnement du sommeil chez les tout-petits.

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Ainsi, cet essai se découpe en 3 grands chapitres : 1) S'informer : à la lumière des dernières découvertes neurologiques, l'autrice s'attache à expliquer le processus du sommeil chez les tout-petits et lorsqu'ils grandissent, ainsi que les différentes phases qui le composent ; 2) Évaluer : lorsque le sommeil devient un problème, l'autrice permet d'analyser s'il s'agit d'une erreur d'interprétation des besoins de bébé, d'un manque d'informations, d'une mauvaise synchronisation entre le rythme de l'enfant et des parents, puis dans une seconde partie, s'attaque aux troubles du sommeil, qui, eux, ont besoin d'une intervention pédiatrique ; 3) Intervention : enfin, Rosa Jové dénonce les méthodes de dressage du sommeil qui consistent à laisser bébé pleurer, en expliquant en quoi elles sont néfastes, et fait la liste des médications proposées pour aider au sommeil (anxiolytiques et médicaments plus "naturels") qui sont généralement à proscrire ; à la place elle donne aux parents de précieux conseils pour analyser les difficultés de sommeil de l'enfant ainsi qu'une méthode "douce" pour améliorer tout cela.

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J'ai grandement apprécié ce guide, qui m'a appris et rassurée sur le fonctionnement de ma petite fille (une bonne dormeuse, mais qui se réveille énormément depuis un mois et demi et ne fait ses siestes que sur moi au sein). Dormir sans larmes est une mine d'informations : ainsi on apprend que le rythme naturel des bébés est de 25h et non 24h, que le sommeil est un apprentissage plus ou moins long, entre autres parce qu'il est composé de plusieurs phases, qui apparaissent au fur et à mesure que l'enfant grandit, que le sommeil s'acquiert vers 3 ans, qu'il est souhaitable et physiologique que le bébé se réveille souvent la nuit, un réflexe qui lui permet notamment d'éviter la mort subite du nourrisson, ou encore que l'allaitement maternel aide à l'endormissement. En parlant d'allaitement, j'ai trouvé honnête et important qu'elle en fasse la promotion dans son livre, puisque c'est l'alimentation la plus adaptée aux bébés, et que le lait maternel contient un acide aminé essentiel qui favorise... le sommeil ! De la même manière, l'autrice promeut le cododo, banni de nos sociétés occidentale depuis un siècle. Elle explique clairement les bienfaits du dormir-ensemble, qui a été la seule façon de dormir pendant des siècles et l'est encore dans certaines cultures. Plus qu'un guide bienveillant, il dénonce le rythme épuisant et artificiel de notre vie occidentale, qui ne prend pas en compte les besoins des êtres humains et particulièrement des tout-petits, qui ont un besoin accru de la présence de leurs parents, de patience et d'amour. Or, comment leur donner tout cela quand on doit aller travailler 8h/jour ? 

Autre point très important de ce livre : l'autrice critique formellement toutes les méthodes d'endormissement qui laissent les bébés pleurer. En effet, ces dernières semblent a priori efficaces, mais elles démontrent un manque d'empathie et de connaissances flagrant du bébé. De plus, ces méthodes de dressage au sommeil sont délétères pour le cerveau du tout-petit, l'empêchant de bien se développer en favorisant des hormones néfastes en trop grandes quantités telles que le cortisol. Psychologiquement, ce dressage amène divers troubles qui peuvent survenir à l'adolescence ou adulte comme l'anxiété, la dépression, et entraîne l'enfant à ne plus prêter attention à son intériorité : il apprend en effet à se résigner car personne ne répond à ses appels, à ne plus prendre en compte ses émotions, et se retrouve dans un état d'hypervigilance qui est évidemment dommageable. Je lis encore trop de témoignages de parents qui disent laisser leur enfant pleurer, et j'ai déjà reçu des "conseils" en ce sens, preuve que cette théorie est encore trop bien ancrée. Qu'on se le dise une bonne fois pour toute : NON, laisser pleurer son enfant ne lui apprend pas à dormir ; cela lui apprend qu'ils ne peut pas compter sur ses parents ! 

Dormir sans larmes ne propose donc pas de formule toute faite pour faire dormir bebe, et c'est sans doute ce qui peut décevoir. Il s'adresse davantage aux parents désireux de comprendre au mieux les besoins de leur enfant et de se remettre en question. En effet, bébé sait dormir et saura faire des nuits qui plairont aux parents. Pour cela, 3 mots d'ordre : cododo, amour et patience. 

En conclusion, ce livre m'a beaucoup plu car j'y ai trouvé des réponses à mes questions, il m'a rassurée sur ce que je faisais déjà (à savoir l'allaitement à la demande et le cododo), a démonté les mythes de l'enfant-roi qui ne saura jamais dormir si on le le laisse pas pleurer tout seul dans sa chambre, et donne une nouvelle énergie pour redoubler de patience et de zen-attitude face à ce grand défit de la parentalité : faire dormir son enfant !

Extraits choisis (je n'ai pas les numéros de pages car j'ai lu sur ma liseuse) :

Chap. 1, point 2 : Le sommeil entre 4 et 7 mois de caractérise par son instabilité, puisqu'il voit l'émergence des phases encore manquantes, auxquelles l'enfant doit s'adapter. C'est une période de transition, et les réveils y sont très fréquents (parfois même plus que pendant la première période). Pourquoi, me désirez-vous ? Mais parce qu'il fait des essais ! Il y a des nouvelles phases, des changements, et l'enfant doit les tester pour les apprendre.

Idem : Pourquoi les enfants seraient-ils susceptibles de développer une dépendance à vie à la compagnie de leurs parents plutôt qu'à celle de leur nounours, c'est là mystère et boule de gomme : les experts n'en ont donné jusqu'ici aucune explication. Mystère d'autant plus grand que l'on ne connait aucun cas d'adulte sain d'esprit qui exigerait la présence de ses parents pour s'endormir - mais il est vrai que j'en connais quelques-uns qui ont besoin pour dormir d'un objet substitutif. 

Chap. 3, point 2 : L'heure de dormir avait sonné pour notre enfant ; il vient de passer beaucoup de temps à pleurer (ce qui l'a beaucoup fatigué) et là-dessus il a reçu une décharge violente d'opiacés, endorphines, sérotonine...
Comment s'étonner qu'il soit complètement exténué et s'endorme ? Voilà, c'est à cela que se résument les méthodes pour dormir. Mais ne vous y trompez pas ! Le bébé n'a pas appris à dormir, c'est seulement qu'il s'est "autodrogué".


Dormir sans larmes, Rosa Jové, éd. les Arènes, 2017. 

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